Après la demande, ensuite abandonnée, de l’Arabie saoudite et de l’Égypte de faire fermer la télévision qatarie, c’est au tour d’Israël de vouloir se débarrasser du bureau de la chaîne à Jérusalem. Ces exigences soulignent, selon Jeune Afrique, la fébrilité des dirigeants de la région soumis à une situation géopolitique instable.
Cela fait déjà longtemps qu’Al Jazeera occupe cette position. Depuis 2011, la chaîne de télévision qatarie qui avait fait la promotion des révolutions arabes sur ses deux antennes (arabophone et anglophone), est l’un des punching-balls favoris des gouvernements fort peu démocratiques de la région. Mais, depuis dimanche 6 août 2017, Israël est rentré à son tour dans cette danse du scalp autour du principal média moyen-oriental en demandant la fermeture du bureau d’Al Jazeera à Jérusalem et en prévoyant de couper ses transmissions satellitaires dans le pays. La soi-disant « seule démocratie du Moyen-Orient », qui se targue régulièrement d’être un îlot de libertés dans un environnement répressif, entend donc réduire un média au silence.
Mais alors, pourquoi l’Arabie Saoudite et ses alliés de la région veulent-ils, entre autres demandes anti-démocratiques, réduire au silence Al-Jazeera ? Cette chaîne d’informations n’a eu de cesse d’appeler à une meilleure gouvernance des pays du Golfe et autres monarchies, de mettre à jour la corruption qui les gangrenait faute, précisément, de transparence. Pourquoi cette démarche liberticide ?
Lancée en novembre 1996, Al-Jazeera s’impose aujourd’hui comme la première chaîne arabe qui dissémine, en continu, des informations libres, sauf peut-être sur le Qatar qui la finance à grands frais. Elle est vite devenue une référence mondiale dans le paysage médiatique en raison de ses perspectives uniques.
En 2006, c’est le tournant. Al-Jazeera commence à émettre en anglais et rivalise sur le terrain avec CNN et la BBC. C’est un enrichissement démocratique certain. Mais les objectifs d’audience et d’influence seront vraiment atteints à partir de 2011, lors du printemps arabe. Les révoltes en Tunisie et en Égypte ont mis en exergue le rôle central joué par Al-Jazeera, qui aura été le seul média indépendant à avoir pu couvrir les événements pour une audience mondiale. Ce qui a poussé les pays voisins du Qatar, des monarchies qui craignaient l’effet contagion du printemps arabe, à questionner l’éventuel rôle politique du premier média arabe. Dont la notoriété avait dépassé de loin celle de son pays hôte.
Devenue depuis une référence, d’où le surnom de BBC du Moyen-Orient, Al-Jazeera est aujourd’hui soutenue par des centaines d’organisations de défense des droits humains et de la presse, qui ne veulent pas la voir disparaître. Pour la chaîne qatarie tout appel à la fermeture d’Al-Jazeera n’est qu’une tentative de faire taire la liberté d’expression dans la région et de supprimer le droit à l’information.
Dans les pays où il n’existe pas de culture de transparence, l’obtention d’informations est très difficile. Et Al-Jazeera est l’unique média à avoir pu couvrir chacun des grands événements de ces dix dernières années, en obtenant à chaque fois des images exclusives.
La présence d’Al-Jazeera est donc importante car elle a permis de démocratiser le champ médiatique du Moyen-Orient en misant sur un traitement transnational de l’information.