Pourquoi a -t-on besoin de faire revivre le Waqf à l’ile Maurice ?
Rappels

Pourquoi a -t-on besoin de faire revivre le Waqf à l’ile Maurice ?

 Historiquement, l’institution des Waqf a joué un rôle socio-économique important au sein de la société islamique. Récemment, certains pays musulmans ont entamé des réformes dans la perspective de revivifier et de consolider cette prodigieuse institution. Des études ont été entreprises par des penseurs et des centres de recherches en vue d’explorer les effets du Waqf dans le passé et de définir sa place dans la société musulmane contemporaine.

Au niveau local, comme ce fut le cas pour de nombreux autres pays, le potentiel du Waqf est largement sous-exploité et méconnu par de nombreux musulmans. Donc, nous avons à notre portée un outil éprouvé pour adresser divers besoins de la communauté.

Contrairement à l’aumône obligatoire (zakât) ou non obligatoire (sadaqa) qui ne sont données qu’une fois, les biens cédés sous forme de waqf dégagent constamment de nouveaux revenus. Ainsi, les effets positifs découlant du don profitent non seulement à la société et à la « cause » choisie, mais aussi, sur le plan spirituel, à son donateur durant sa vie et même après sa mort. Cette réalité est évoquée de façon générale dans un hadith du prophète Mohammad(sws) selon lequel lorsqu’une personne meurt, ses œuvres s’arrêtent et ne peuvent plus avoir d’effet bénéfique sur elle dans l’Au-delà sauf trois choses : une œuvre de bienfaisance durable (sadaqa jâria), un savoir utile et un enfant vertueux qui prie pour lui. Le waqf fait partie de la catégorie des “œuvre durables” étant donné que les revenus issus des biens cédés continuent à être donnés en aumône après la mort de l’ancien propriétaire du bien.

Par essence, le waqf est un mécanisme de partage des richesses au sein de la communauté. L’ile Maurice dispose d’un cadre financier et politique qui faciliterait le dépoussiérage de cette institution et de rendre au Waqf ses lettres de noblesse. Pour ce faire, la volonté de la communauté musulmane demeure l’élément déclencheur et au préalable il faudrait faire revivre les potentiels du Waqf dans la conscience collective. Malheureusement, aujourd’hui l’image du waqf a Maurice n’est pas glorieuse.

Il existe actuellement à l’ile Maurice plusieurs Awqaf (Waqf au pluriel), principalement au profit des mosquées. Néanmoins, pour diverses raisons, plusieurs terrains Waqf agricole et terrains bâtis ou non-bâtis sont à l’abandon. Compte tenu du fait que la pratique du Waqf à l’ile Maurice n’a pas encore fait l’objet d’étude, il semble évident que les mêmes raisons qui ont entrainé le déclin du Waqf dans d’autres pays, notamment le manque de compétences de gestion et de développement des Mutawallis et le manque cruel de financement sont à l’origine du manque d’intérêt dans le développement de cette institution également à l’île Maurice.

Enfin, au niveau institutionnel des efforts sont également nécessaires pour développer une meilleure approche de la gestion financière du Waqf afin d’accroître son efficacité et ses performances. La bonne gouvernance est l’un des principaux éléments constitutifs d’une bonne gestion mais dans la pratique du Waqf aujourd’hui à l’ile Maurice on peut constater qu’il y a un énorme travail à accomplir. La bonne gouvernance garantit la transparence dans l’administration du Waqf et contribue à préserver le Waqf, ses actifs, ses propriétés et les droits des bénéficiaires. Elle génère aussi la confiance dans l’institution et créent une image positive du Waqf dans l’ensemble de la société. En outre, elle contribue à protéger le Waqf contre les risques résultant d’une mauvaise gestion.

L’institution Waqf est un outil éprouvé, capable d’améliorer le développement social et économique d’un pays. Pour que les institutions Waqf soient plus efficaces dans l’atteinte des objectifs qu’on attend d’elles, il serait utile de dépoussiérer la loi régissant le Waqf, nommément la Waqf Act 1941.

A l’examen, il est évident que la loi actuelle est en demande d’amendements pour prendre en considération l’évolution du cadre législatif des Awqaf au niveau international et l’adapter à la situation socio-économique locale. Par exemple, à ce jour la loi de 1941 ne contient pas de provisions spécifiques concernant le Cash-Waqf alors que plusieurs pays islamiques ont incorporé le Cash-Waqf dans leurs législations.

L’examen du succès du système de du Cash-Waqf dans les pays tels qu’en Malaysie, Indonesie, Kuwait et Royaume Unis, prouve que l’ile Maurice ne peut que bénéficier de sa mise en œuvre. Le Cash-Waqf pourrait aider à lever des fonds afin de fournir le capital pour développer et moderniser les anciennes propriétés waqf qui ont été négligées et laissées à l’abandon pendant de nombreuses années, aider à lancer des nouvelles activités agricoles sur les terrains à l’abandon et aider à attendre une meilleure distribution permanente de la richesse aux pauvres.

Aujourd’hui, des compétences techniques et managériales sont nécessaires pour gérer, entretenir et développer les propriétés Waqf. Il est presque impossible pour un seul individu d’offrir une combinaison de ces services. Ainsi, la position traditionnelle consistant à nommer des mutawallis individuels pour administrer et gérer chaque propriété Waqf séparément n’est peut-être pas réalisable. Il serait donc souhaitable d’institutionnaliser la fonction du mutawalli. Une institution est toujours meilleure qu’un mutawalli individuel car elle a l’avantage d’une expertise collective et peut rassembler sous un même toit des talents dans différents domaines. Les propriétés Waqf bénéficieront grandement du travail d’équipe, de l’expertise et de la gestion professionnelle qu’un mutawalli institutionnel peut offrir. En outre, contrairement à une personne, une institution peut durer plusieurs générations et peut également conserver une documentation et des dossiers appropriés qui peuvent toujours être inspectés. Un mutawalli institutionnel, en tant qu’organisme professionnel, peut également gérer facilement et efficacement de nombreuses propriétés Waqf au profit des mêmes bénéficiaires en même temps. Le modèle de gestion des copropriétés par un syndic est transposable aisément pour la gestion des biens Waqf.

Enfin, pour inciter la population à dédier certains biens en Waqf, l’organe directeur du Waqf (Le Waqf Board), avec l’aide du gouvernement, doit mettre en œuvre ou introduire des méthodes créatives pour promouvoir le Waqf à travers le pays. Cela peut se faire par le biais d’incitations fiscales, de sermons du vendredi, de conférences, d’événements publics organisés par des personnes qualifiées et de nombreuses autres formes de campagnes de sensibilisation.

Cette institution a prouvé son efficacité dans la résolution des problèmes sociaux dans la société islamique à travers le temps. Aujourd’hui, les musulmans de l’ile Maurice se doivent de reconnaitre que les instruments financiers islamiques offrent de nouvelles opportunités de développement pour le concept de Waqf.

Ainsi, en s’appuyant sur l’expérience et la réussite d’autres pays musulmans, les musulmans de Maurice peuvent et ont le devoir de donner une nouvelle impulsion à cette institution.